Samedi 21 mars 6 21 /03 /Mars 17:19
[ Villa Seurat ]
Vendredi soir, le 14 [ décembre 1934 ]

[ Anaïs ]

  Tes deux lettres sur la Cellophane viennent d'arriver - datées du 7. Tu ne les signes même plus, maintenant. Tu ne m'appelles même plus par mon nom. Pas un mot d'amour. Si je n'avais pas reçu ton télégramme, je serais déjà devenu fou. Quelle punition m'infliges-tu ? Et pour quelle raison ? Quelle raison ? Bon, c'est déjà quelque chose de savoir que tu es heureuse. De savoir que Radio City rend quelqu'un heureux. C'est vraiment comme tu le dis. Tu es dans un autre monde. Je suis ici et le mieux que j'avais à faire pour te saisir, c'était d'allers voir Amok, parce que tu m'avais dit que tu l'aimais. Et, quand j'ai vu le début - les lianes, les arbres enchevêtrés, la densité de la forêt tropicale -, je me suis dit : c'est tout à fait "Aulraune". En parfaite correspondance avec l'écriture d'Anaïs. Très impressionnantes, ces premières images. C'est merveilleux que tu aies sur rendre cela par l'écriture. Et maintenant ta vie est en Cellophane - "je t'aime, chérie", etc. C'est dommage, lorsque je dis ces choses-là, qu'il n'y ait pas de musique de fond, de ligne d'horizon, de Nouveau Monde à l'horizon.

  Pardonne-moi, Anaïs, mais je suis triste, épouvantablement, abominablement malheureux. Rien ne pourra m'aider tant que je ne verrai pas, noir sur blanc, les mots que tu as délibérément, si obstinément omis dans toutes tes lettres. Tes lettres ne me disent rien. Un peu comme ce baiser qu'Andard t'avait donné dans le cou - ça fait un grand bruit sur le moment et on en rit ensuite. Je te remercie seulement d'une chose ; tu ne te donnes pas la peine d'inventer des mensonges inutiles. Tu ne mens même pas - tu te contentes de te taire. Je ne voudrais pas briser la magie. S'il n'y avait pas eu cette grosse bourde, peut-être me serais-je contenté de ces lettres Cellophane. De ton télégramme, j'extrais deux mots que tu m'avais écrits sur un morceau de papier un matin et que je n'ai jamais oubliés. Dans cette toute petite chambre, j'étais heureux. Je t'avais, toi. Maintenant je vis dans ce studio sans âme et je suis l'homme le plus triste de la terre. Tout le monde dit :"Quel endroit merveilleux !" Mais pour moi c'est l'enfer. L'enfer "de luxe", tu vois ce que je veux dire ?

  Qu'est-ce que je voulais ? Je voulais vivre avec toi !

[...]
Par blackevil - Publié dans : littérature érotique
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